Rappelons que le traumatisme est un afflux d'excitation qui est excessif par rapport à la tolérance de l’appareil psychique, qu’il s’agisse d’un seul évènement engendrant une très forte émotion ou d’une accumulation de plusieurs excitations dont chacune prise isolément, aurait été tolérable).
Trois voies d’écoulement s’offrent aux excitations : celle de l’élaboration psychique, celle du comportement et celle de la somatisation.
Ainsi, à défaut de capacités de mentalisation, c'est-à-dire de l'aptitude de l’appareil psychique à traiter et élaborer les énergies pulsionnelles suffisante, la maladie peut-être une solution à la décharge des excitations.
Un processus de somatisation est une chaîne d’évènements psychiques qui favorisent le développement d’une affection somatique.
On distingue deux modalités de processus de somatisation : le processus de somatisation par régression (processus sans gravité) et le processus de somatisation par déliaison pulsionnelle (avec risque d'évolution dramatique).
Ces deux mouvements psychiques s’opposent par la qualité de la mentalisation sur laquelle ils se développent.
Processus de somatisation par régression :
Il s’agit d’un processus qui conduit habituellement à des crises somatiques bénignes et réversibles. Ces somatisations surviennent en général chez un sujet dont les capacités de mentalisation sont habituellement satisfaisantes mais en raison d’une surcharge de travail de liaison du Moi au sein du préconscient, l’énergie pulsionnelle est conduite à régresser vers ses sources somatiques. Rappelons que le Moi est avant tout un Moi-corps et lorsque l’élaboration psychique ne peut temporairement se faire, le sujet s’exprime à travers son corps.
Ces somatisations surviennent lors de variations du fonctionnement psychique que P. Marty qualifiait d’ « irrégularités du fonctionnement mental », que représentent ces légers changements de régime du fonctionnement mental, habituels et réversibles, qui transforment momentanément l’économie psychosomatique.
Ce processus de régression soulage momentanément le travail psychique qui peut, après un certain délai de temps, retrouver son efficience habituelle.
Les désorganisations progressives et processus de somatisation par déliaison pulsionnelle :
Les désorganisations progressives sont des états post-traumatiques, faisant suite souvent à une perte. Alors, un mouvement contre-évolutif peut s'installer et déclencher une désorganisation progressive. L’impact de ce traumatisme dépendra de l’organisation interne du sujet.
Ce mouvement régressif désorganisateur est fondé sur la prévalence de l’instinct de mort. Ce mouvement contre-évolutif persistant, que les paliers de fixations n'arrêtent pas, va provoquer la disparition des fonctions mentales les plus évoluées vers un retour à un fonctionnement mental plus archaïque.
Dans ce cas, la désorganisation mentale risque de se poursuivre jusqu’à la pathologie somatique. Une désorganisation est dite régressive quand "le mouvement rétrograde n’est jamais bloqué par aucun système régressif valable » ( P.Marty, Un processus majeur de somatisation ; la désorganisation progressive. In RFP, 1966)
Le processus de somatisation par désintrication pulsionnelle aboutit habituellement à des maladies évolutives et graves, comme les maladies auto-immunes et des maladies cancéreuses.
Ce processus se développe en général, comme nous l’avons dit précédemment, chez des sujets ayant subi des traumatismes psychiques qui sont venus réactivés des blessures narcissiques profondes et précoces.
Ce sont d’abord des modifications psychopathologiques que l’on peut constater avant les modifications physiopathologiques citées plus haut. C’est la raison pour laquelle, il semble important de repérer cette désorganisation progressive au plus tôt :
Résumé :
Un processus de somatisation par régression est un processus favorisant le repli narcissique, par incapacité temporaire du Moi à effectuer le travail de liaison et de mentalisation ; cette somatisation est à la base d’une réorganisation et est donc positive pour le sujet,
Un processus de somatisation par déliaison pulsionnelle se caractérise tout d'abord par une détresse permanente, puis une dépression essentielle, une vie opératoire, avant une désorganisation progressive, qui est le prélude aux processus de somatisation les plus graves.
Après un choc traumatique, le Moi peut rester profondément désorganisé : l’état de détresse se maintient, l’appareil psychique, démuni et impuissant, ne réussit plus à lier ni à décharger l’excitation qui l’inonde.
Le débordement émotionnel peut conduire le sujet à tenter de restreindre sa vie au présent, au factuel ; il annihile alors toute projection dans un avenir trop lourd de menaces et refuse tout retour vers un passé source de reviviscence traumatique.