Le concept de traumatisme en psychanalyse :

Précisons que les différentes définitions dont rendent compte les auteurs qui se sont intéressés à ce phénomène ne renvoient pas à une entité nosographique unique mais plutôt à une série de processus psychiques qui tentent de maîtriser une expérience qualifiée de traumatique :

Dans le cadre de l’élaboration de sa théorie, S. Freud a remanié à plusieurs reprises le concept de traumatisme que nous pourrions résumer par 3 avancées importantes : l’élaboration et l’abandon de la Neurotica, le développement du point de vue économique du traumatisme et l’abord des enjeux narcissiques du phénomène.

Dans une première tentative d’élaboration, les névroses sont des formations de défense contre le retour d’un souvenir refoulé, d’un évènement traumatique inaugural (supposé réel dans une première élaboration puis conçu comme fantasmatique dans une conception ultérieure), le plus souvent, une tentative de séduction de l’enfant par un adulte,

Puis, en 1920, Freud renouvelle complètement son modèle du psychisme et de l’inconscient en introduisant le concept de pulsion de mort ; conséquence directe de la guerre et de sa volonté de rendre compte des particularités cliniques et psychopathologiques des névroses de guerre et des névroses traumatiques.

Freud oppose dès lors névroses de transfert et névroses de guerre : À l’amnésie qui caractérise les névroses de transfert, s’oppose l’hypermnésie de la névrose traumatique : si dans la névrose de transfert, le sujet parvient à refouler l’évènement traumatique, dans la névrose de guerre, le refoulement n’est pas possible, l’évènement reste omniprésent dans l’esprit du sujet,

Dans une conception économique (le point de vue économique suppose qu’une certaine quantité d’énergie circule), l’afflux d’excitations est excessif par rapport à la tolérance de l’appareil psychique, le principe de constance (=Principe selon lequel l’appareil psychique tend à maintenir à un niveau aussi bas ou, tout au moins, aussi constant que possible, la quantité d’excitation qu’il contient) se trouve mis en échec, l’appareil psychique étant incapable de tolérer l’excitation : « Nous appelons traumatiques les excitations externes assez fortes pour faire effraction dans le pare-excitations.» (Freud, au-delà du principe de plaisir, 1920)

Dans la névrose de guerre (ou névrose traumatique), l’évènement traumatique surgit chez un sujet non préparé et donc beaucoup plus vulnérable, l’affect caractéristique est l’effroi et la sidération qui figent le sujet : la temporalité est suspendue, le sujet ne s’inscrit plus dans une continuité historique, l’évènement introduit une coupure radicale entre un passé désormais inaccessible (celui d’une vie normale), un présent qui s’éternise et un futur que le sujet ne parvient plus à anticiper ni à concevoir,

Le rôle de l’environnement :

  1. Ferenczi, disciple de Freud remanie également dans les années 20 la notion de trauma en mettant lui, l’accent sur le rôle décisif de l’entourage, des personnes significatives : pour Ferenczi en effet, ce n’est pas tant l’évènement qui soit traumatique (bien que non négligeable) mais davantage le déni et la disqualification des affects de la victime par son environnement intersubjectif, qui signent le caractère traumatique d’un évènement. Par sa réponse ou son absence de réponse adéquate, l’environnement intersubjectif du sujet traumatisé peut causer une véritable déchirure identitaire,

En effet, Ferenczi constate que lorsque l’entourage ne parvient pas à entendre ni à concevoir le mal-être des sujets au regard de qu’ils ont vécu, cela renforce non seulement le caractère violent et insensé de l’évènement, mais aussi, à cette agression venant de l’extérieur (l’évènement traumatique) s’ajoute le mouvement narcissique du sujet, s’attribuant la cause ou la faute et développe dès lors, des affects de honte et de culpabilité,

Pour survivre à cet évènement, Ferenczi décrit l’existence d’un phénomène de clivage de la personnalité et de régression vers un état de béatitude pré-traumatique, cherchant ainsi à le rendre non advenu : tout se passe comme si la partie endommagée de la personnalité s’était réfugiée dans les confins de la psyché, dans l’espoir d’être protégée par le fragment de la personnalité qui est resté (artificiellement) adapté,

Dans sa conception du traumatisme, D.Winnicott mettra également l’accent sur le rôle décisif de l’environnement : c’est à partir de l’observation des phénomènes normaux nécessaires au développement psychiques des nourrissons, que D. Winnicott propose un modèle prototype du phénomène traumatique : de la dépendance absolue de l’enfant envers son environnement vers son indépendance, ce qui est décisif, est la manière dont l’environnement (la personne qui apporte les soins, le plus souvent la maman) va s’ajuster et répondre aux besoins du bébé qui déterminera le caractère traumatique d’un évènement.

« Le traumatisme est en rapport avec la dépendance. Le traumatisme est ce qui rompt l’idéalisation d’un objet au moyen de la haine d’un individu, en réaction au fait que cet objet n’a pas réussi à atteindre sa fonction ». Le traumatisme vient de « l’effondrement dans l’aire de confiance à l’égard de l’environnement généralement prévisible » (Winnicott, 1965)

Le rôle de l’environnement est de soutenir le passage entre la dépendance absolue vers l’indépendance. En effet, lors de la phase de la dépendance absolue, le bébé se vit comme créateur du monde et cette expérience d’omnipotence originaire, qui donne à l’enfant l’impression qu’une réalité conforme à ses désirs existe, est rendue possible grâce à la complicité de la mère, qui s’adapte parfaitement aux besoins de son enfant. Lorsque la faim de son enfant se manifeste, elle propose au bon moment son sein, donnant ainsi l’impression à l’enfant qu’il a créé et trouvé le sein.

Pour Winnicott, le traumatisme provient d’une désillusion trop brutale, d’une intrusion trop soudaine ou imprévisible d’un fait réel, d’une perte de confiance à l’égard de l’environnement, auquel le nourrisson est complètement dépendant. Dans les situations traumatiques, l’enfant est dans l’impossibilité de développer ses capacités de transitionnalités et son sentiment de se sentir exister de façon continue est altéré.

La défaillance de l’environnement, dans les situations extrêmes, entraîne un sentiment d’agonie primitive qui déstructure la psyché et contre laquelle le Moi met en place des défenses primitives.