Covid-19 et confinement : un évènement traumatique et néfaste pour la santé
Covid-19 : Le traumatisme et la sidération :
L’effet de surprise, d’impréparation qui ont caractérisé non seulement l’arrivée de la covid-19, avec ses conséquences potentiellement mortelles, mais aussi et surtout le confinement, ont créé une brèche dans notre réseau de signifiants, le temps qui faisait la conjonction entre le passé, présent et futur, arrêté. Cet évènement a créé une fracture dans notre histoire : une époque vient de se terminer, une autre commence.
L’effroi (état dans lequel se trouve le sujet lorsqu’il se trouve dans une situation qu’il considère dangereuse sans y être préparé) et la sidération nous ont figés.
Exposés à de telles conditions de vie déshumanisée, privés de nos droits fondamentaux, réduits à de simples organismes vivants, c’est dans un état de passivation que nous avons vécu cet évènement : la passivité implique un certain investissement alors que la passivation nous réduit à un statut d’objet, à l’état de néant.
L’état de passivation nous renvoie au vécu d’anéantissement psychique et c’est dans ce vécu de non-être que nous pouvons comprendre le silence qui s’en est suivi, un silence non pas caractérisé par un acte de volonté mais silence qui témoigne que cette volonté était brisé, un silence conçu comme impossibilité même de l’émergence de la parole : pour qu’il y ait une parole, il faut un sujet et nous pensons que le port du masque généralisé entretient cet état de non-être.
L'être humain est un parlêtre :
Mais aussi, L’homme est un être social, il a besoin de communiquer, c’est un parlêtre disait Lacan.
L’isolement prolongé n’est pas une situation normale pour l’espèce humaine et l’organisme va dès lors réagir, de la même manière qu’une agression, ce qui va activer les mécanismes physiologiques impliqués dans la réponse au stress, comme la sécrétion de cortisol et d’adrénaline.
Rappelons que le stress est la réponse physiologique de l’organisme face à une situation nouvelle ou considérée comme menaçante (appelé syndrome général d’adaptation par Seyle, 1936) au regard de ses ressources pour y faire face.
Le stress chronique attaque ensuite le système immunitaire et cause de l’inflammation, un problème associé à différentes maladies, notamment l’insuffisance coronarienne, le diabète de type 2 et l’arthrite.
Dès la naissance, nous avons besoin d’interactions sociales pour vivre, ceci est tout aussi essentiel que le fait de s’alimenter et de boire.
Une triste et inhumaine expérience a été réalisée au 13ème siècle par l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen (expérience reprise par le roi d’Ecosse, James IV) :
Au 13e siècle, le roi Frédéric II (qui parlait neuf langues : le latin, le grec, le sicilien, l'arabe, le normand, l'allemand, l'hébreu, le yiddish et le slave) voulait savoir quelle langue parlait naturellement l’être humain, « sans influence extérieure », avec l’hypothèse, selon lui, que ce serait le grec ou le latin. Pour cela, il installa six bébés dans une pouponnière et ordonna à leurs nourrices de les alimenter, les endormir, les baigner, mais surtout, sans jamais leur parler. L’expérience donna des résultats tragiques : non seulement aucun bébé ne se mit à parler, mais pire encore, les six bébés dépérirent jusqu’à en mourir.
L’isolement : aussi néfaste pour la santé que l’obésité, la sédentarité et le tabagisme :
Les nombreuses études portant sur les conséquences de l’isolement montrent en effet que l’isolement social et la solitude, augmentent le risque de mourir prématurément et son impact sur la santé est comparable à celui des facteurs comme l’obésité, la sédentarité et le tabagisme.
Les données acquises au cours d’études (données issues de l’observatoire de la prévention au Canada) réalisées sur un total de 308 849 personnes indiquent que ceux qui ont des relations sociales adéquates ont un risque de mortalité prématurée diminuée de 50 % comparativement à ceux dont les relations sociales sont insatisfaisantes, un impact comparable à l’abandon du tabagisme.
Ces résultats sont en accord avec les données acquises par la Harvard Study of Adult Development qui étudie depuis 1939 les facteurs impliqués dans le vieillissement en bonne santé, tant du point de vue physique que psychologique : La principale conclusion de cette étude qui dure depuis plus de 80 ans est très simple: ce sont les relations interpersonnelles de qualité, qu’il s’agisse de famille ou d’amis, qui représentent un des plus importants facteurs prédictifs du bonheur et de la bonne santé d’une personne au cours de sa vie.
L’isolement rétrécit cerveau :
Le neuroscientifique Vibol Heng et ses collègues de l’Université Thomas Jefferson de Philadelphie, ont réalisé une étude (2018), à partir de souris qui sont nées et ont grandi dans un environnement social riche, puis ont été placées en milieu isolé à l'âge adulte pendant quatre mois.
Ce passage brutal d'une société complexe à un isolement de 30 jours a provoqué des changements importants dans leur cerveau : après un mois d’isolement, les chercheurs ont constaté une diminution de 20% de la taille des neurones. Ce rétrécissement s'est maintenu quasiment au même niveau pendant trois mois d’isolement.
De plus, les chercheurs ont également noté d'autres signaux inquiétants, dont la réduction d'une protéine appelée BDNF, qui stimule la croissance neuronale et la hausse du niveau de l'hormone du stress.
Une étude plus récente (2019), publiée dans le New England Journal of Medicine, portant sur l’homme cette fois, confirme les effets délétères de l’isolement social et d’un environnement monotone : L’analyse a été menée sur des explorateurs en Antarctique, qui ont passé plus quatorze mois, isolés, sans interaction humaine. Leur cerveau a été évalué par IRM avant et après l’expédition : les résultats révèlent qu’à leur retour, certaines parties de leur cerveau se sont rétrécies, l’hippocampe a été fortement impacté (impliqué dans la mémoire et l’apprentissage) et la matière grise, qui joue un rôle majeur dans le traitement de l’information, endommagées.
Quelques conseils afin de vivre au mieux cette période :
1. S’informer régulièrement, mais pas trop :
Les études révèlent qu’un confinement supérieur à 10 jours peut avoir pour conséquence un état de stress post traumatique.
Avoir un sentiment de contrôle dans une situation, permet d’atténuer le stress. Dans cette situation en effet, pour avoir un certain sentiment de maîtrise, il s’agit de s’informer régulièrement (le manque d’informations nous fait ressentir un sentiment d’impuissance) mais pas trop (ce qui pourrait être anxiogène) sur des sites d’informations fiables.
2. Communiquer régulièrement avec d’autres personnes :
Afin de minimiser les effets délétères de l’isolement, il est important de :
- Communiquer avec plusieurs personnes via le téléphone, internet, sms, les messageries instantanées, visioconférence, etc.
- Promouvoir une communication plus axée sur l’altruisme que sur l’obsession de la pandémie,
- Créer des groupes de soutien et d’échanges en ligne sur le vécu d’expérience du confinement de chacun ou adhérer à des groupes existants
3. Mettre en place un planning :
Eric Berne, père de l’analyse transactionnelle, s’est interrogé sur nos besoins vitaux. Par analogie à la nutrition, il les nomme les « soifs », illustrant ainsi à quel point ces besoins étaient fondamentaux.
C’est ainsi qu'Eric Berne constate que l’homme a un besoin vital de se repérer dans l’espace et le temps : l’homme a soif de structure.
C’est pourquoi, en cette période, afin de respecter au mieux ce besoin, il est important tout d’abord de respecter son rythme sommeil-veille et de prendre ses repas à la même heure (et de manière équilibrée de préférence), ce qui constitue un cadre de référence. Il s’agit ensuite d’organiser sa journée selon ses priorités et ses envies.
4. Prendre soin de soin :
Il est important pendant cette période d’isolement de prendre soin de soi, d’être attentif à ses émotions, à ses besoins, d’avoir une alimentation équilibrée, de faire du sport. Le sport permet, en plus de son effet anxiolytique et du renforcement du système immunitaire, de sécréter des endorphines sources de bien-être. Tout ceci participe à maintenir une bonne estime de soi.