Aspects socio-économiques : la perte des valeurs, l'évolution de l'enseignement et le néolibéralisme

La perte des valeurs morales et la dissolution du Surmoi :

Depuis la Libération et surtout depuis mai 1968, en rejetant l’ordre public, l’autorité, la valeur du travail, devenue valeur ringarde qui ne donne droit à aucun respect et celle du savoir, les français ont perdus progressivement du respect pour les valeurs morales.

Pour le sociologue Daniel Martin (Valeurs perdues, Bonheur perdu),  avec l’aphorisme « il est interdit d’interdire », s’en est suivi :

- la libération des mœurs,
- la perte du respect d’autrui, devenu mon égal, quelque soit sa fonction, son âge, ses années d’études et en perdant le respect des autres, on perd souvent le respect de soi-même. A cette perte, s’est ajouté la perte du respect de l’Etat, grandement facilité non seulement par son laxisme puisque l’Etat fait beaucoup moins d’efforts pour faire respecter les lois républicaines et va accorder plus de protection aux délinquants qu’à leurs victimes mais également par le fait que pour susciter la confiance, avoir une certaine consistance digne à entrainer les troupes, l’exemplarité est la règle et nous ne pouvons que constater les grandes lacunes à ce sujet,
- la dévalorisation des devoirs de chacun au profit de ses droits, d’où plus d’individualisme, plus d’égoïsme et moins de civisme,
- La perte de l’engagement personnel et du sens du devoir,
- La dévaluation de la religiosité, qui imposait des règles morales : nous sommes en effet passés en quarante ans d'un pays catholique, avec quelques minorités religieuses et un petit quart d'individus qui ne sont pas affiliés à un culte particulier, à un pays largement sécularisé.

C’est la société qui a le devoir de transmettre, à chaque enfant puis à chaque adulte, les règles morales qu’elle a adoptées dans le cadre de ses valeurs fondamentales. Ce sont ces règles qui définissent le bien et le mal, le permis et le défendu, le possible et l’impossible. Ce serait une erreur de compter sur les lois pour remplacer les règles morales parce qu’il est bien plus facile de contourner une loi que de déroger à des interdits intériorisés puisque cette instance interdictrice (Surmoi) est omniprésente.

 

L'évolution de l'enseignement :

Sous la troisième république, les écoles transmettaient les mêmes valeurs humanistes : l’excellence, la beauté de la langue française, le respect de l’élève au maître, la morale classique d’honnêteté, le sens de la famille, une ferveur patriotique intense, la mise en valeur de l’effort individuel, le sens des responsabilités, l’éloge des grands hommes.

Puis il y a eu Mai 68 et L.Jospin en 1989, mettant « l’élève au centre » : il ne s’agit plus de transmettre des savoirs mais d’apprendre à apprendre ; l’accent est mis sur le développement et l’affirmation de la personnalité, au détriment de son effort d’écoute du professeur (qu’on ne respecte plus) et de compréhension de son enseignement, dont on doute de l’utilité.

Ainsi, à force de développer la personnalité des jeunes au détriment de leurs connaissances et leurs aptitudes à les utiliser, les jeunes développent leur esprit de revendication et de critiques sans habitude de travailler dur.

Pour les élèves formés, c’est le triomphe du « Moi d’abord ».

Pour autant cette nouvelle orientation ne permet pas d’accroître les connaissances des jeunes : le dernier classement PISA de 2018 (évaluation internationale pilotée par l’OCDE des connaissances des élèves de 15 ans parmi 79 pays) fait état d’une stagnation du niveau de médiocrité des élèves de la 7ème puissance économique.

Le manque de lecture a entraîné un manque de vocabulaire et c’est même la langue française qui est massacrée. Bien que contestée, l’hypothèse de Sapir-Whorf nous paraît intéressante pour comprendre les conséquences : selon ces linguistes et anthropologues américains, la langue conditionne la vision du monde d'une communauté linguistique ou encore la langue pratiquée a une influence sur notre manière de réfléchir ; principe illustrée par le philosophe Wittgenstein : « Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde ».

Comprendre la complexité du monde actuel, nécessite de pouvoir le penser, ce qui est difficile si les mots manquent, si nous ne faisons pas l’effort de mener des recherches pour comprendre et nous savons que l’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine mène à la violence.

 

 

L'économie néolibérale :

Dans l’état d’esprit des principes de 1789, est apparu le libéralisme, qui, en maintenant les valeurs traditionnelles, réclamait la liberté politique (en défendant la démocratie et les libertés individuelles), religieuse et économique (en défendant la libre entreprise et la liberté du marché). Dans le libéralisme, l’économie est au service de l’homme.

Le néolibéralisme, n’en constitue pas une simple évolution et adaptation mais correspond à une mutation majeure et profonde.

Mise en place dans les années 80, en particulier avec M.Tatcher et R .Regan, elle affirme la suprématie de l’économie et du marché sur les valeurs humaines.

Il s’agit d’accorder un maximum de droits individuels, favorisant l’individualisme et l’hédonisme au détriment du devoir collectif et des valeurs traditionnelles afin que les individus continuent d’apporter leur participation et accepte les réformes majeures.

Qu’importe en effet que l’individu soit sans racine, sans valeurs, inculte ou sans histoire, pourvu qu’il soit au service de la machine productive.

Pour Pierre Dardot et Christian Laval, le néolibéralisme structure non seulement « l'économie », mais l'ensemble des activités sociales au point de constituer:

« Une certaine norme de vie dans les sociétés occidentales (...). Cette norme enjoint à chacun de vivre dans un univers de compétition généralisée, (...) [et] transforme jusqu'à l'individu, appelé désormais à se concevoir comme une entreprise » (La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale).

Il en résulte pour notre contemporain, une perte des repères moraux traditionnels. Egalité des droits ne voulaient pourtant pas dire égalité des faits. La vie doit à présent s’organiser en dehors de tout jugement de valeur, selon les lois du libre marché, tout est transformé en marchandise, jusqu’à l’individu lui-même : si certains résistent pour conserver leur culture et ne pas être pris dans les rouages de la machine économique, la plupart des individus s’y soumettent selon le principe d’adaptation à la réalité.