La thérapie de pleine conscience ( Mindfulness)

La thérapie de pleine conscience (ou mindfulness) est l'une des techniques faisant partie de la "3ème vague" des Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC). « La pleine conscience consiste à se rendre compte de ce qu’il se passe au moment où ça se passe, sans préférence. » (Rob Nairn)

Il s’agit donc :

  • D’être attentif à tout ce qui est éprouvé dans l'instant présent : perceptions sensorielles, pensées, émotions, etc...
  • D’autoriser le déroulé de ces expériences, incluant les pensées, les comportements, les impulsions à agir, sans y réagir automatiquement.

En procédant ainsi, la thérapie de pleine conscience permet de mieux gérer les émotions, notamment de réduire le stress.

Se concentrer sur le moment présent, demande effectivement un travail d’apprentissage puisque notre cerveau en mode par défaut, c’est-à-dire le mode qui s’active lorsque nous laissons libre court à nos pensées, a cette fonction particulière d’anticiper le futur, à partir de souvenirs autobiographiques,  « Cette projection de soi par anticipation serait un élément-clé de l’activité cérébrale au repos », constate Gaël Chételat, directrice de recherche au CHU de Caen. Le mode par défaut, qui est associé aux activités mentales d’introspection et de référence à soi, se trouve dès lors brusquement modifié avec la pleine conscience.

Aussi, il existe différents types de méditation qui auront chacune, des effets différents sur le cerveau. Ainsi, par exemple, la pleine conscience ne se confond pas avec la méditation transcendantale, qui elle, est une technique n’impliquant aucun effort, aucune concentration, aucun contrôle de l’esprit pour lui permettre de se mettre progressivement en silence, de « transcender », c’est-à-dire, aller au-delà de l’activité constante de l’esprit pour se fondre naturellement dans l’être. Cette technique de méditation serait particulièrement efficace pour la gestion du stress post-traumatique.

Inspirée de la méditation bouddhiste, la méditation de pleine conscience s’en éloigne assez rapidement puisque dans la méditation bouddhiste, l’objectif est de réveiller la puissance spirituelle en se détachant de toute matérialité et permettre à l’esprit d’exalter l’une des quatre grandes vertus qu’est la mettâ  (attitude altruiste d’amour et d’amitié dépourvu d’intérêt personnel, infinie bonté), pour la pleine conscience, comme le constate David Forbes (dans un article paru dans The Guardian, How capitalism captured the mindfulness industry - Comment le capitalisme a capturé l’industrie de la pleine conscience), il s’agit davantage de la récupération capitaliste de la méditation orientale.

Avec en effet,  un marché à plus d’un milliard d’euros, de part des séminaires payants, des livres, des CD, des émissions radio, coaching et applications sur le mobile, pour David Forbes, la méditation de pleine conscience est devenu un outil anti-stress pour l’individu au sein d’une société néolibérale dominée par des multinationales qui visent toujours davantage de profits, au détriment de la santé des salariés.

Beaucoup de grandes entreprises proposent en effet à leurs salariés des séances de pleine conscience, ce qui permet de faire l’économie d’une remise en question des causes sociales de ce stress en l’attribuant à une responsabilité individuelle. Il en revient en effet au salarié de s’adapter aux différentes restructurations de l’entreprise, de s’adapter au nouveau mode de management, de s’adapter à la nouvelle charge de travail et la thérapie de pleine conscience permet une baisse de la charge de travail perçue (puisque le salarié se concentre sur le travail qu’il a à faire, sans penser à tout ce qui lui reste à faire), une meilleure acceptation des situations de travail, une meilleure capacité à rester calme et lucide pendant les moments de crises, bref, la thérapie de pleine conscience permet rester docile et de s’adapter à un système économique sans le remettre en cause.

Pourtant, les études portant sur les bienfaits de la pleine conscience manquent cruellement de preuves scientifiques.

C’est en effet, ce que révèle l’étude publié le 10 octobre 2017, dans la revue scientifique Perspective and Psychological Science  par le psychologue clinicien et chercheur à l’université de Melbourne, Nicholas Van Dam et ses collègues, intitulé "Mind the Hype: A Critical Evaluation and Prescriptive Agenda for Research on Mindfulness and Meditation” : absence d’essais randomisés, non-respect du protocole en double aveugle, etc.

Ce manque de validité scientifique était déjà reconnu par son fondateur, John Kabat Zin, lors d’une conférence à l’université de médecine de Strasbourg en 2016 : « toutes ces recherches ont aidé à populariser la méditation de la pleine conscience, même si beaucoup d’entre elles ne respectaient pas les plus hautes exigences scientifiques »

En réalité, toute activité répétée modifie le cerveau : apprendre à jouer du piano, apprendre une nouvelle langue, jouer à des jeux vidéo, etc., toutes ces actions répétées ont pour effet de sélectionner et de renforcer les connexions entre ces différents circuits du cortex. Dans la pleine conscience, c’est l’action répétée de l’attention qui se trouve ici renforcée. Pour en savoir davantage sur la plasticité des réseaux de neurones : http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_07/d_07_cl/d_07_cl_tra/d_07_cl_tra.html

Pour Nicholas Van Dam,  la méditation de pleine conscience est « un outil de bien-être en entreprise, une pratique éducative largement mise en œuvre et «la clé pour construire des soldats plus résilients» (texte original issu de son étude : « ( …) tool of corporate well-being, widely implemented educational practice, and "key to building more resilient soldiers. »)

Nathalie Neyrolles, 02 juin 2020