La république en masque... Un danger éthique

 

Pour Emmanuel Lévinas, l’expérience d’autrui prend la forme d’un visage, qui par sa totalité, sa nudité, nous révèle l’humanité de l’autre. En effet, le visage ne se réduit pas à une tête, tenter de détailler un visage (par un nez, une bouche, etc.), le dé-visager, c’est l’objectiver et nous perdons le rapport authentiquement éthique que suscite la rencontre avec l’autre. Par sa totalité, le visage d’autrui nous transporte au-delà du perceptible, vers l’idée d’infini et c’est en ce sens que le visage d’autrui est d’emblée éthique.

En effet, le visage est nu, exposé, offert,  il est ce qu’il y a de plus vulnérable chez l’homme, il révèle sa misère, sa fragilité, qui oblige, ordonne, supplie qu’on réponde de lui : « Le visage s’impose à moi sans que je puisse rester sourd à son appel, ni l’oublier, je veux dire sans que je puisse cesser d’être responsable de sa misère » (E.Lévinas, Humanisme de l’autre homme).

Mais aussi, par sa vulnérabilité, le visage d’autrui est exposé à la violence de l’autre, à cette possibilité du meurtre et cette impuissance appelle aussitôt son injonction fondamentale « tu ne tueras point » : Autrui exige renoncement à la violence.

Le visage nous convoque, exige de l’aide, notre sollicitude et nous rappelle notre responsabilité envers autrui. Ainsi, pour E. Lévinas, l’éthique est à comprendre comme est un événement de la sensibilité même et c’est dans cette fragilité du visage que s’inscrit cet impératif éthique.

Ainsi,  l’évènement de la rencontre avec autrui nous élève à la condition de sujet qui nous investit sans perturber notre liberté : « La responsabilité, est ce qui exclusivement m’incombe et que humainement, je ne peux refuser. Cette charge est une suprême dignité de l’unique. (…) Telle est mon identité inaliénable de sujet » (E. Lévinas, Éthique et infini)

Le port du masque nous prive de cette expérience fondamentale que représente la vulnérabilité d’un visage et donc de cette dimension éthique. Avec le masque, nous perdons notre identité et notre humanité.

Un article du psychologue Patrick Fagan, paru dans le mensuel britannique the critic, le 28 juillet dernier (Pour lire l’article complet : The Critic : Face masks make you stupid), fait état de plusieurs études concernant le port du masque et les résultats révèlent que le port du masque : nous rend stupides, influençables, dociles et favorise une « régression massive » vers un état  plus primitif de l’être, autorisant ainsi l’expression des pulsions sexuelles et agressives.

Du point de vue psychanalytique, cela correspond à la diminution du Surmoi (notre conscience morale), donc du principe de réalité au profit du principe du plaisir.

Du point de vue de la neuro-imagerie, les masques inhibent l’identité et le contrôle des impulsions qui sont tous deux, associés à la fonction exécutive dans le cortex préfrontal (Glannon, 2005 ; Tacikowski, Berger & Ehrsson, 2017).

Nathalie Neyrolles, 6 septembre 2020