Problématique identitaire  :

Un sujet se conçoit et se construit avec son environnement, « le centre de gravité de l’individu ne naît pas à partir de l’individu. Il se trouve dans un ensemble environnement-individu » (Winnicott, L’angoisse liée à l’insécurité, 1952), c’est l’environnement qui structure l’individu, c’est par le regard de l’autre que se construit l’identité (le narcissisme naît dans le regard de l’autre) et nous constatons un phénomène tout à fait surprenant qui est cette inversion des données : le sujet tente à présent de se construire sans tenir compte de son environnement, pour demander ensuite, la reconnaissance de cette construction par l’autre, toujours indispensable :

« La caractéristique fondamentale de la personnalité contemporaine serait l’effacement de cette structuration par l’appartenance. L’individu contemporain aurait en propre d’être le premier individu à vivre en ignorant qu’il vit en société. Le premier individu à pouvoir se permettre, de par l’évolution même de la société, d’ignorer qu’il est en société. Il ne l’ignore pas, bien évidemment, au sens superficiel où il ne s’en rendrait pas compte. Il l’ignore en ceci qu’il n’est pas organisé au plus profond de son être par la précédence du social et par l’englobement au sein d’une collectivité avec ce que cela a voulu dire, millénairement durant, de sentiment de l’obligation et de sens de la dette. L’individu contemporain, ce serait l’individu déconnecté symboliquement et cognitivement du point de vue du tout, l’individu pour lequel il n’y a plus de sens à se placer au point de vue de l’ensemble. » Marcel Gauchet, La démocratie contre elle-même, 2002

Pensant s’affranchir de la nécessité de l’autre, des codifications sociales pour toujours plus de liberté, en l’absence de normes et de valeurs qui soutiennent un individu et permettent une certaine solidité interne, le sujet contemporain est en réalité d’autant plus assujetti puisqu’en l’absence d’une structuration interne solide, le regard de l’autre devient une impérieuse nécessité pour pallier au vide qui le structure.